Les différentes phases entre l’identification d’une maladie et la mise en place de traitements peut-être longue, mais clairement définie. Voici les grandes étapes.
Cette première phase se déroule en laboratoire (recherche fondamentale) et se conclut par l’identification d’un candidat-médicament.
Identification de la Maladie
Le processus commence par la compréhension approfondie de la maladie, qui peut être découverte suite à des observations cliniques ou des avancées en recherche. On cherche à identifier :
- La cause (génétique, infectieuse, environnementale, etc.).
- Le mécanisme physiopathologique précis, c’est-à-dire comment la maladie se développe au niveau cellulaire et moléculaire.
- Les cibles thérapeutiques potentielles (protéines, gènes, récepteurs, etc.) sur lesquelles un médicament pourrait agir pour bloquer ou corriger le mécanisme pathologique.
Recherche et Développement Préclinique (ou non-clinique)
Une fois une cible identifiée, les chercheurs travaillent à trouver une molécule qui interagit avec elle.
- Découverte de la molécule (ou Drug Discovery) : Des milliers de composés chimiques sont testés (criblage) pour identifier ceux qui ont un effet sur la cible. Les molécules les plus prometteuses sont appelées têtes de série.
- Optimisation et Sélection du Candidat-Médicament : Les têtes de série sont modifiées pour améliorer leur efficacité, réduire leur toxicité et optimiser leur comportement dans l’organisme. La molécule la plus prometteuse devient le candidat-médicament.
- Études Précliniques in vitro et in vivo : Avant tout test sur l’humain, la molécule est testée :
- In vitro (sur des cellules isolées ou des cultures) pour confirmer l’activité biologique.
- In vivo (chez l’animal) pour étudier son mode d’action, sa toxicité (effets indésirables) et son devenir dans l’organisme (pharmacocinétique).
Si la balance bénéfice/risque est favorable après cette phase, une Demande d’Autorisation d’Essai Clinique est soumise aux autorités réglementaires (comme l’ANSM en France) et à un Comité de Protection des Personnes (CPP) pour passer aux tests sur l’humain.
Le Développement Clinique : les Essais Cliniques
Le développement clinique est l’étape où le candidat-médicament est testé chez l’humain, se déroulant en quatre phases principales, strictement réglementées pour garantir la sécurité et l’éthique.
Phase I : Sécurité et Dosage
- Objectif : Évaluer la tolérance (sécurité) du médicament, déterminer la dose sans danger et étudier comment le corps l’absorbe et l’élimine (pharmacocinétique).
- Participants : Petit groupe (20-80) de volontaires sains (sauf en cancérologie, où ce sont souvent des patients).
- Durée : Environ 1 à 2 ans.
Phase II : Efficacité et Définition de la Dose
- Objectif : Évaluer l’efficacité du traitement sur la maladie ciblée et affiner la dose optimale (la plus efficace avec le moins d’effets secondaires).
- Participants : Petit groupe (100-300) de patients atteints de la maladie.
- Durée : Environ 2 ans.
Phase III : Confirmation de l’Efficacité
- Objectif : Confirmer l’efficacité et la sécurité à grande échelle, généralement en comparant le nouveau traitement à un placebo ou au traitement standard (essai comparatif, souvent en double aveugle).
- Participants : Grand groupe (plusieurs centaines à milliers) de patients.
- Durée : Plusieurs années (2 à 4 ans et plus).
Autorisation de Mise sur le Marché (AMM)
Si les résultats de la Phase III démontrent une efficacité et une sécurité satisfaisantes, le laboratoire pharmaceutique soumet un dossier complet aux agences réglementaires (comme l’EMA en Europe). L’obtention de l’AMM permet la commercialisation du médicament.
Phase IV : Surveillance Post-Commercialisation
Rôle : Poursuite des études (incluant parfois des recherches pour de nouvelles indications).
Objectif : Suivi à long terme de la sécurité et de l’efficacité du médicament dans des conditions d’utilisation réelles et à grande échelle (c’est la pharmacovigilance). Elle permet de détecter des effets secondaires rares ou tardifs.
Participants : Tous les patients utilisant le médicament après sa commercialisation.
Spécifiquement pour les Syndromes cérébelleux, ou en est-on ?
L’état actuel de la recherche sur les syndromes cérébelleux, un groupe hétérogène de maladies neurodégénératives, est caractérisé par d’importants efforts de recherche fondamentale et des avancées dans les thérapies ciblées, même si les traitements curatifs restent encore très limités pour la majorité des formes génétiques.
Voici un résumé des principaux axes de recherche et de l’état des connaissances :
1. Déficit en Traitements Spécifiques et Symptomatiques
- Insuffisance thérapeutique : Pour la plupart des ataxies d’origine génétique (comme les ataxies spinocérébelleuses ou la maladie de Friedreich), aucun traitement curatif n’est encore approuvé. Les thérapies actuelles sont principalement symptomatiques (kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie) pour atténuer les troubles de la coordination et de l’équilibre.
- Échecs cliniques : Des essais avec des molécules non spécifiques, comme le Riluzole pour la SCA2, n’ont pas démontré d’amélioration clinique suffisante.
2. Compréhension des Causes Génétiques et Mécanismes
La recherche est très active dans l’identification des causes et des mécanismes de ces maladies rares :
- Découverte de nouveaux gènes : Récemment, de nouvelles pistes génétiques ont été dévoilées. Par exemple, des travaux ont identifié :
- Le rôle inattendu du gène $RFC1$ dans le développement du cervelet et dans des ataxies cérébelleuses tardives.
- Une expansion de répétitions $\text{GGC}$ dans le gène $ZFHX3$ comme cause de l’Ataxie Spino-Cérébelleuse de type 4 (SCA4), ouvrant de nouvelles pistes sur les mécanismes d’autophagie.
- Modélisation de la maladie : Les chercheurs utilisent des modèles animaux (comme le poisson-zèbre) pour comprendre la pathogénicité des mutations (par exemple, les répétitions dans $RFC1$ et leur impact sur le cervelet).
- Diversité sous-estimée : Il est maintenant reconnu que les ataxies spinocérébelleuses sont un groupe très hétérogène avec une grande diversité génétique et clinique.
3. Avancées vers les Thérapies Ciblées
L’espoir majeur repose sur les approches ciblant directement les défauts génétiques ou moléculaires :
- Thérapie génique : C’est une voie de recherche très prometteuse, notamment pour les formes génétiques. L’objectif est d’utiliser des outils pour corriger ou compenser le gène défectueux. Des unités spécialisées (comme la TIDU GENOV à l’Institut du Cerveau) travaillent activement au développement de ces thérapies pour les maladies neurodégénératives.
- Approches anti-sens (ASOs) : Des essais sont en cours (ou en préparation) avec des oligonucléotides anti-sens qui visent à bloquer la production de la protéine toxique mutée dans certaines SCA.
- Identification de cibles thérapeutiques moléculaires : La recherche continue d’identifier de nouvelles cibles au niveau cellulaire pour développer des médicaments spécifiques (par exemple, de nouvelles cibles pour la SCA3, la forme la plus courante).
4. Outils de Diagnostic et de Suivi (Biomarqueurs)
L’amélioration des outils pour diagnostiquer la maladie et suivre son évolution est cruciale pour les essais cliniques :
- Biomarqueurs d’imagerie : Des biomarqueurs d’imagerie par IRM (structurelle, DTI, MRS) sont activement étudiés pour surveiller la progression des SCA dans le cadre des essais cliniques. Une approche multimodale est jugée la plus pertinente.
- Tests génétiques : Les tests de détection de mutations par expansion de nucléotides (notamment pour les SCA 1, 2, 3, 6, 7, 17, Friedreich et CANVAS) sont fondamentaux pour le diagnostic et sont en constante évolution.
En conclusion, la recherche sur les ataxies cérébelleuses est en pleine effervescence. Tandis que la recherche fondamentale découvre rapidement de nouvelles causes génétiques et les mécanismes sous-jacents, l’étape suivante est le développement translationnel, avec l’accélération des programmes de thérapie génique et de thérapies ciblées dans l’espoir de fournir des traitements spécifiques dans les années à venir.
